Algérie/France – L’ancienne ministre française de la Justice et garde des Sceaux, Rachida Dati a fourni davantage de détails sur son mariage « forcé » avec un homme Algérien. L’actuelle candidate à la mairie de Paris s’est livrée à cœur ouvert.
Europe 1 a reçu ce 24 mai la première personnalité politique française née de parents maghrébins à accéder à un haut poste de responsabilité. Dans l’émission radiophonique « Il n’y a pas qu’une vie dans la vie »; Rachida Dati est revenue sur une phase douloureuse de son passé. Il s’agit de son union avec un homme qu’elle n’aimait pas du tout. Elle s’est mariée avec lui trois semaines uniquement après leur rencontre. Pour le décrire, la femme politique ne dit rien à part la mention « Algérien » qu’elle émet à chaque fois avec autant de sécheresse.
« Le mariage, c’était pas moi. Mes sœurs se sont toutes mariées jeunes, conditionnées par le fait que c’est bien de se marier et de faire des enfants». En revanche, « il y avait une pression dans la cité où j’habitais, de ne pas être mariée », note-t-elle. La jeune femme tentait donc de juste respecter la tradition en faisant comme tout le monde.
Le 14 novembre 1992, Rachida Dati pénètre dans la salle des mariages en larmes et sous l’effet de l’anxiolytique « Lexomil ». Un « oui » à peine audible sort difficilement de la bouche de la jeune femme en détresse. L’agent de l’état civil se résout après exclamation à considérer que les syllabes prononcées expriment « un oui ».
Pas plus loin que le lendemain de la signature du contrat du mariage, elle est allée demander son annulation. Le divorce était insuffisant à ses yeux. « Je voulais une annulation, raconte-t-elle, je voulais effacer cette page y compris sur mon acte de naissance ». Mais « La justice n’a pas voulu, d’abord parce que lui ne voulait pas divorcer ».
Une mariage de “conformisme social”
« Ce n’était pas une contrainte de la part de mon père, il ne l’a pas choisi, ne me l’a pas imposé, mais il y avait une pression culturelle », explique Rachida Dati. Un mois après, décembre en l’occurrence, elle est allée voir le procureur de la République. « Pour lui, mon consentement était éclairé, j’étais lucide, je ne vivais pas chez mes parents, j’étais libre, autonome, donc au sens juridique, il n’y avait pas de pression… Mais c’était plus insidieux » et subtile.
En prétextant avoir besoin d’une expérience ailleurs dans le monde, elle a quitté la France. En réalité elle fuyait sa situation qu’elle ne tolérait plus. « Jacques Attali m’a accueillie à la Banque européenne à Londres »; se souvient la membre des Républicains. « Même Nicolas Sarkozy ne savait rien de tout ça, et je ne suis rentrée en France que quand l’annulation du mariage était quasiment acquise ».
Une histoire personnelle qui a par la suite modifié la loi
Cependant, elle n’aurait jamais pu se débarrasser de ce poids en 1995 sans l’intervention de personnalités influentes. Par exemple « Simone Veil m’a aidée en me recommandant une avocate ». De son côté, son mentor politique a appelé un haut magistrat « pour le sensibiliser sur cette situation ». Le fait de les avoir sollicité « n’était pas de l’audace, c’était de l’instinct de survie », tient-elle à préciser.
Le parquet s’est une nouvelle fois penché sur l’affaire. « Ils ont compris qu’il y avait un vide politique. […] C’est comme ça qu’après, avec Nicolas Sarkozy, on a changé la loi. […] Parce que ce n’est pas forcément les parents. […] Parfois, ce sont les jeunes femmes elles-mêmes qui s’auto-mettent dans cette situation pour ne pas poser de problème à qui que ce soit », a-t-elle conclu avec insistance.