Algérie – L’effondrement récent des prix du pétrole risque de durer longtemps, et dépendra sur le moyen-long terme de la persistance de la crise sanitaire pouvant chuter à 10 dollars le baril, selon l’économiste Nassima Ouhab Alathamneh.
Lors d’un entretien accordé au quotidien d’information national El Moudjahid, l’enseignante et docteure en sciences politiques et géopolitique en économie à l’Université de Nanterre de Paris, Nassima Ouhab Alathamneh, a exposé une analyse approfondie concernant la surproduction et la sous-consommation de pétrole depuis la chute drastique des prix de l’or noir en mars dernier, conséquence de la pandémie du Coronavirus causant l’arrêt de l’activité économique en Chine.
En effet, selon la spécialiste en géopolitique de l’énergie, l’incertitude dans laquelle plane le marché pétrolier actuellement, pourrait persister si le déséquilibre entre l’offre, la demande et le prix continue dans ce sens. Le cours suivra une tendance baissière jusqu’à l’écoulement des stocks sur le marché, car malgré l’accord entre les USA, la Russie et l’Arabie Saoudite, en mars dernier, ayant rehaussé les cours de 30%, l’Arabie Saoudite a fait appel à une réunion de l’OPEP+ le 6 avril prochain, afin de convenir d’un compromis sur la baisse des volumes de production, qui arrange particulièrement les USA, a souligné l’économiste.
La production du schiste est coûteuse, et afin de parvenir à une rentabilité adéquate les producteurs ont besoin de vendre le baril à 65 dollars au minimum, a dénoté l’intervenante en rappelant que les producteurs américains des hydrocarbures de schistes tentent d’inciter les autres producteurs de l’OPEP;, de baisser leurs volumes de production, dont l’objectif est de maintenir les prix hauts. Cependant, les pays importateurs ont rempli leurs réserves stratégiques de pétrole grâce à la baisse drastique des cours de pétrole, a signalé Ouhab.
Tant que la Chine n’a pas repris ses activités économiques consommatrices d’énergie et que l’économie mondiale maintient sa suspension, le prix du baril ne dépassera pas les 67 dollars, a estimé l’oratrice qui selon elle, « à moins qu’un événement exceptionnel surgisse et provoque un boom inespéré »; le cours ne dépasserait les 40 dollars le baril, sur le moyen-long terme.
En plus des facteurs cités plus hauts, causant le déséquilibre offre/demande du marché pétrolier, plusieurs autres événements géopolitiques impactent indirectement le cours de l’or noir. D’ailleurs le prix pourrait atteindre les 10 dollars le baril ou voire moins, dans le cas où la pandémie continue de sévir dans le monde, ainsi que le conflit entre les grands producteurs; notamment la Russie, les USA et l’Arabie Saoudite, sur les volumes de production persiste, a averti l’enseignante.
Se tourner vers les énergies renouvelables pour éviter la crise ?
Notons qu’à l’heure actuelle, les hydrocarbures conventionnels demeurent les plus utilisés dans la production d’énergie malgré la tentative des énergies renouvelables (ENR) à s’imposer dans le bouquet énergétique de plusieurs pays consommateurs d’énergies fossiles, a fait remarquer l’économiste lors de la même entrevue. Elle poursuivit en expliquant que les énergies conventionnelles, maintiendront le marché auprès des pays émergents et des pays asiatiques, jusqu’à 2035; et représentent actuellement 85.2% de la consommation mondiale des énergies.
Selon le dernier rapport de la World Energy Outlook de 2019, l’AIE s’attend à une augmentation de la consommation des ENR de 50% à l’horizon 2024, contre un recul de la consommation du pétrole à partir de 2030, a-t-elle indiqué avant de préciser que seuls 20% de la production des ENR sont exploitées actuellement, d’où une véritable production optimale ne verra le jour qu’aux horizons 2050.
Concernant l’Algérie, un baril à 30 dollars est insuffisant pour maintenir l’équilibre budgétaire puisque 60% des recettes nationales sont de nature pétrolière et gazière, et représentent 96% de ses exportations, a regretté l’universitaire. Elle remit en cause, les décisions des gouvernements précédents, qui se sont rués vers les réserves de change qui est estimée à seulement 62 milliards aujourd’hui; au lieu d’aller vers les ENR et éviter une éventuelle crise économique similaire à celle de 1986, qui guette l’Algérie au tournant.
Selon Ouhab, l’unique moyen de sortir de cette crise est de diversifier la production nationale, notamment en exploitant les ENR, pour assurer le niveau de vie des générations futures, et ceci malgré les coûts que nécessitent leur installation. Le but étant d’éviter le recourir aux institutions internationales (FMI et Banque Mondiale) pour emprunter les fonds nécessaires au maintien de l’économie nationale.
L’Algérie dispose des ressources nécessaires à sa sortie de crise. L’exploitation de l’énergie solaire du désert peut couvrir au moins 20% de la demande européenne en électricité, en plus des besoins nationaux, sans compter sa position au niveau mondiale (3e) concernant les réserves des hydrocarbures non-conventionnelles (schiste), il ne lui manque qu’une réelle volonté, a conclu l’experte en économie d’énergie.